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LL’intervviieeww
La Mémoire de Pierrot
Né à Darney, Place Leclerc, le 04 janvier 1926
Monsieur Pierre ZORO est le plus ancien des
darnéens pure souche.
Sollicité afin que nous puissions profiter un peu de
sa mémoire, c’est gentiment que pour répondre à
notre curiosité il a accepté de poser couteaux et
gouaches. Car notre presque nonagénaire, ancien
peintre en bâtiment, a un faible pour la peinture
d’art et a signé plus de 200 tableaux sans jamais les
vendre. D’ailleurs la commune de Darney avait eu
la chance de bénéficier du talent de l’artiste en 1989
lorsqu’il avait réalisé une grande copie du célèbre
“la Liberté” de Delacroix à l’occasion du
bicentenaire de la Révolution.
Malheureusement cette fresque qui a fait
l’admiration de tous est partie en fumée lors de
l’incendie de la salle des fêtes.
Les souvenirs sont là, même si parfois hésitants, les dates ne sont pas toujours évidentes mais Pierrot, comme le
saluent la plupart des darnéens, ne manque pas d’anecdotes. Notamment de la période de la guerre au cours de
laquelle il a exercé comme coiffeur, pour faire vivre la famille car le papa était prisonnier. Et de préciser qu’une
coupe de cheveux coûtait 2,5 francs et la barbe 1 fr. C’était l’époque où il allait chercher, à vélo, un litre de lait à la
fromagerie de Vioménil…. Puis il a travaillé à la fromagerie de Darney et faisait le ramassage “il fallait rouler au
milieu de la route car de nombreux clous perdus par les chevaux jonchaient les bords”. Et d’avouer qu’il resquillait
quelques gouttes de lait à chaque bidon, malgré la vigilance du contremaître, pour en boire quelques gorgées.
Les cantonniers qui cassaient les cailloux avec un marteau sur le bord des routes, le corbillard du “Père BELLOT” qui
emmenait les défunts à la chapelle de la Pitié où le prêtre venait les chercher, le troc, les hivers rigoureux pleins de
neige et de glace, la célèbre Marie MICHEL, les frasques de Félicie, Charles “Laboque” (passe-partout), les cloches
qui ont sonné la libération de Darney “je jouais aux cartes au Café des Vosges, on a arrêté puis bu un bon coup”, les
cigarettes reconstituées avec trois mégots… sont autant de souvenirs qui affluent, pêle-mêle. Quelques mots sur le
révolver de son père retrouvé dans une valise abandonnée par ce dernièr à la gare de Frémifontaine, et Pierrot
esquisse un large sourire en repensant aux cigarettes soustraites, une par paquet, aux colis destinés à son
prisonnier de père. Car celui-ci, persuadé que le gardien se servait avant la distribution, fut d’autant plus étonné de
découvrir la vérité après s’être évadé.
Il a ensuite travaillé comme peintre, en famille, et a vite été gagné par la passion de la toile, puis il a ouvert peu après
la guerre un commerce de droguerie. Cet admirateur de Delacroix, qui aime aussi Fragonard et Rubens, reconnait avoir
eu une vie mouvementée au cours de laquelle il aura eu la chance que “tout a été inventé”. Et il lui est bien difficile de
retenir un événement marquant plus qu’un autre même si le téléphone le laisse encore impressionné : “il y a des ondes
partout, je n’arrive pas à me mettre ça dans la tête, ça me dépasse !” il ajoute : “pour les avions j’ai pu suivre une
évolution et donc cela ne m’étonne pas outre mesure”.
Sur un plan purement local, la construction du groupe scolaire a manifestement marqué son esprit.
Père de 3 enfants, 8 fois grand-père et même arrière grand-père, Pierrot est retraité depuis bientôt trente ans et son
grand regret aura été de ne pas pouvoir poursuivre ses études, après avoir été 1er du canton, afin de pallier à l’absence
du papa. Avec nostalgie il jette un œil sur une photo de l’ASD de 1946 dont il est l’unique survivant, “on s’entraînait
à l’époque au champ de foire, puis à la côte et sur la route d’Epinal” nous précise celui qui évoluait alors dans les buts.
Avant de déplorer l’évolution de la société qui fait que “malheureusement aujourd’hui il ne faut que des robots”. Enfin
Pierrot résume en quelques mots “j’ai connu beaucoup d’emmerdes mais aussi beaucoup de satisfaction, le plus
important dans vie reste la santé de ses proches”.
Et celui qui s’adonne encore régulièrement aux joies de la pétanque, et ramasse parfois les boules pour de plus jeunes
que lui, nous livre pour conclure quelques secrets de sa forme, dont la prise chaque matin d’une cuillerée à soupe de
bon miel des Vosges.
La recette semble en tout cas très efficace.
Bon anniversaire Pierrot, et merci pour votre aimable participation à ce journal.
22 Bulletin municipal Darney I 2015 I n°1
La Mémoire de Pierrot
Né à Darney, Place Leclerc, le 04 janvier 1926
Monsieur Pierre ZORO est le plus ancien des
darnéens pure souche.
Sollicité afin que nous puissions profiter un peu de
sa mémoire, c’est gentiment que pour répondre à
notre curiosité il a accepté de poser couteaux et
gouaches. Car notre presque nonagénaire, ancien
peintre en bâtiment, a un faible pour la peinture
d’art et a signé plus de 200 tableaux sans jamais les
vendre. D’ailleurs la commune de Darney avait eu
la chance de bénéficier du talent de l’artiste en 1989
lorsqu’il avait réalisé une grande copie du célèbre
“la Liberté” de Delacroix à l’occasion du
bicentenaire de la Révolution.
Malheureusement cette fresque qui a fait
l’admiration de tous est partie en fumée lors de
l’incendie de la salle des fêtes.
Les souvenirs sont là, même si parfois hésitants, les dates ne sont pas toujours évidentes mais Pierrot, comme le
saluent la plupart des darnéens, ne manque pas d’anecdotes. Notamment de la période de la guerre au cours de
laquelle il a exercé comme coiffeur, pour faire vivre la famille car le papa était prisonnier. Et de préciser qu’une
coupe de cheveux coûtait 2,5 francs et la barbe 1 fr. C’était l’époque où il allait chercher, à vélo, un litre de lait à la
fromagerie de Vioménil…. Puis il a travaillé à la fromagerie de Darney et faisait le ramassage “il fallait rouler au
milieu de la route car de nombreux clous perdus par les chevaux jonchaient les bords”. Et d’avouer qu’il resquillait
quelques gouttes de lait à chaque bidon, malgré la vigilance du contremaître, pour en boire quelques gorgées.
Les cantonniers qui cassaient les cailloux avec un marteau sur le bord des routes, le corbillard du “Père BELLOT” qui
emmenait les défunts à la chapelle de la Pitié où le prêtre venait les chercher, le troc, les hivers rigoureux pleins de
neige et de glace, la célèbre Marie MICHEL, les frasques de Félicie, Charles “Laboque” (passe-partout), les cloches
qui ont sonné la libération de Darney “je jouais aux cartes au Café des Vosges, on a arrêté puis bu un bon coup”, les
cigarettes reconstituées avec trois mégots… sont autant de souvenirs qui affluent, pêle-mêle. Quelques mots sur le
révolver de son père retrouvé dans une valise abandonnée par ce dernièr à la gare de Frémifontaine, et Pierrot
esquisse un large sourire en repensant aux cigarettes soustraites, une par paquet, aux colis destinés à son
prisonnier de père. Car celui-ci, persuadé que le gardien se servait avant la distribution, fut d’autant plus étonné de
découvrir la vérité après s’être évadé.
Il a ensuite travaillé comme peintre, en famille, et a vite été gagné par la passion de la toile, puis il a ouvert peu après
la guerre un commerce de droguerie. Cet admirateur de Delacroix, qui aime aussi Fragonard et Rubens, reconnait avoir
eu une vie mouvementée au cours de laquelle il aura eu la chance que “tout a été inventé”. Et il lui est bien difficile de
retenir un événement marquant plus qu’un autre même si le téléphone le laisse encore impressionné : “il y a des ondes
partout, je n’arrive pas à me mettre ça dans la tête, ça me dépasse !” il ajoute : “pour les avions j’ai pu suivre une
évolution et donc cela ne m’étonne pas outre mesure”.
Sur un plan purement local, la construction du groupe scolaire a manifestement marqué son esprit.
Père de 3 enfants, 8 fois grand-père et même arrière grand-père, Pierrot est retraité depuis bientôt trente ans et son
grand regret aura été de ne pas pouvoir poursuivre ses études, après avoir été 1er du canton, afin de pallier à l’absence
du papa. Avec nostalgie il jette un œil sur une photo de l’ASD de 1946 dont il est l’unique survivant, “on s’entraînait
à l’époque au champ de foire, puis à la côte et sur la route d’Epinal” nous précise celui qui évoluait alors dans les buts.
Avant de déplorer l’évolution de la société qui fait que “malheureusement aujourd’hui il ne faut que des robots”. Enfin
Pierrot résume en quelques mots “j’ai connu beaucoup d’emmerdes mais aussi beaucoup de satisfaction, le plus
important dans vie reste la santé de ses proches”.
Et celui qui s’adonne encore régulièrement aux joies de la pétanque, et ramasse parfois les boules pour de plus jeunes
que lui, nous livre pour conclure quelques secrets de sa forme, dont la prise chaque matin d’une cuillerée à soupe de
bon miel des Vosges.
La recette semble en tout cas très efficace.
Bon anniversaire Pierrot, et merci pour votre aimable participation à ce journal.
22 Bulletin municipal Darney I 2015 I n°1